En plein coeur de polémique, jeudi 26 mars, le politique tranchait : la chloroquine pourra être prescrite à l’hôpital, si le médecin le juge utile, et sans attendre les résultats des essais cliniques en cours.
Pierre Parneix, médecin de santé publique et d’hygiène hopitalière au CHU de Bordeaux est conseiller scientifique du LIEN depuis de nombreuses années, il nous explique la controverse Chloroquine,
" La controverse Chloroquine est une nouvelle péripétie de l’épisode Covid19 qui nous confronte chaque jour à des situations inattendues et à des décisions pour lesquelles notre mode de raisonnement usuel n’est probablement pas adapté.
Le raisonnement politique et scientifique repose sur le principe de précaution et le temps long.
Typiquement ici un scientifique très réputé français, le professeur Didier Raoult, publie en un temps record une étude clinique qui offre une perspective thérapeutique concrète au moment où on en a vraiment besoin.
Notre mode de raisonnement habituel consiste à analyser le niveau de preuve de l’étude, forcément limité, et à mettre en perspectives tous les risques de la thérapeutique y compris celui de la rétinopathie qui concerne les patients traités sur plusieurs années par la chloroquine là où on est sur une échelle de quelques jours pour le Covid19.
Le risque cardiaque existe évidemment mais notre médecine hospitalière semble de nature à le manager.
Donner un label au traitement c’est aussi craindre une énième pénurie de produit en particulier pour les patients qui sont sous traitement chronique.
Tout cela est audible en tant de paix mais là il se trouve, comme l’a souligné notre président, que l’on est en temps de guerre ce qui change pas mal la donne.
Chacun suit chaque jour le nombre de patients qui arrivent en réanimation et ceux qui y finissent leur parcours malgré le très haut niveau de soins prodigués.
C’est évidemment une réalité qui existe à une certaine échelle en temps de paix mais là elle est livrée à chacun avec une amplification extraordinaire et un caractère anxiogène majeur pour la population.
On devine désormais que plus la charge virale est élevée durablement moins le pronostic sera bon et, donc, vouloir la réduire assez précocement semble aujourd’hui une stratégie cohérente avant que les lésions pulmonaires ne soient irréversibles.
Bien entendu, il y a quelques risques et incertitudes autour de la proposition marseillaise, et son étude a des limites, mais elle existe.
De plus, l’alternative aujourd’hui c’est la méthode Raoult versus l’espoir d’une évolution spontanée favorable ou d’un traitement symptomatique salvateur.
A ce jour les patients se voient proposer l’essai thérapeutique Discovery où il y a une forme allégée du traitement marseillais, deux traitements antiviraux mais aussi un bras sans intervention à visée antivirale comme le nécessite un essai thérapeutique en l’absence de traitement de référence.
En dehors de l’essai, le traitement par chloroquine a donc un caractère dérogatoire soumis à décision collégiale locale. Il y a aura donc une variété d’approches différentes selon son lieu d’hospitalisation
Le sujet dépasse désormais le seul fondement scientifique et surtout celui basé sur le consensus que notre pays aime à obtenir. On vit une situation qui bouleverse profondément les certitudes et soumet chaque expert et décideur à un challenge très complexe.
Avec la vision bénéfice/risque de Santé publique qui est la mienne, j’ai le sentiment que le risque de faire est bien inférieur à celui de ne pas faire.
L’avenir nous dira ce que seront les choix nationaux de demain et seul le bilan rétrospectif dévoilera, mais par essence trop tard, la vérité scientifique."
le 26/03/2020 Pierre Parneix
Merci à Pierre Parneix pour cet éclairage.
Le jour même, Olivier Veran, ministre de la santé signait un décret relatif aux médicaments et autorisant la prescription de la molécule dans les établissements de santé et la poursuite du traitement sous certaines conditions lors du retour à domicile en ces termes :
« l’hydroxychloroquine et l’association lopinavir/ritonavir peuvent être prescrits, dispensés et administrés sous la responsabilité d’un médecin aux patients atteints par le Covid-19, dans les établissements de santé qui les prennent en charge, ainsi que pour la poursuite de leur traitement si leur état le permet et sur autorisation du prescripteur initial, à domicile ».
Vendredi 27 mars , l’ IHU de Marseille publiait une nouvelle étude sur 80 patients
https://www.mediterranee-infection….
site IHU et autres publications
https://www.mediterranee-infection….
Pour rappel :
La juste prescription de l’équipe de PRESCRIRE :
« En pratique, pour chaque patient, l’efficacité, hypothétique, est à mettre en balance avec les effets indésirables déjà connus et prévisibles du médicament proposé, en tenant compte aussi d’éventuels effets défavorables sur l’infection. Sans oublier les interactions avec les autres médicaments pris par le patient. »