Cette nouvelle organisation appelée GHT, issue de la dernière loi, est bien passée inaperçue quant à ses effets réels, comme s’il s’agissait d’une évolution « naturelle » des CHT ou communauté hospitalière qui, elles, étaient destinées à regrouper des fonctions administratives et logistiques de différents hôpitaux publics afin de les optimiser et n’avaient pas la prétention de réviser, voire imposer, l’orientation des patients, exceptions faites de quelques équipements médicaux mutualisés qui pouvaient obliger les patients à revoir leurs parcours . Or il n’en va pas de même avec ces fameux GHT, dont un des objectifs est d’ « améliorer le parcours de patient » , au moyen de filières incluant une gradation des soins ( un peu comme les maternités, des hôpitaux de niveau 1, 2 ou 3 pour les CHU).
En effet, pour le législateur, il s’agit bien d’aller plus loin et d’impacter cette fois directement le parcours des patients, de les réorienter dans le secteur public selon une offre de soins régulée au nom de leurs intérêts. Cette régulation sera effectuée à partir de la définition des périmètres à l’intérieur desquels sont inscrits les établissements publics de santé c’est-à-dire les hôpitaux dits de secteur ( niveau 1 ) rattachés à un hôpital dit de support ( niveau 2 ) et chaque GHT ou groupement d’hôpitaux rattaché à un CHU ( niveau 3) . Bien entendu le législateur prévoit un peu de démocratie sanitaire dans cette organisation ; c’est-à-dire rien ne devrait se faire sans la concertation avec les acteurs locaux, les élus, les professionnels de santé, accessoirement les représentants de patients.
Certains regroupements ou GHT se définissent naturellement à partir des anciennes CHT (communautés hospitalières de territoire) car les relations, coopérations y sont déjà bien rodées, les voies d’accès naturelles y sont respectées ainsi que les flux de patients traditionnels, et la concertation avec les acteurs, en ce cas, ne peut que bien se dérouler. Ce sera sans doute la majorité des GHT.
Cependant ce n’est déjà pas le cas partout. Ainsi une agence régionale de santé peut décider d’un regroupement hospitalier contraire à l’intérêt des patients , c’est-à-dire dire un GHT contre nature lorsque, au lieu de rapprocher les patients des structures les plus proches et les plus accessibles, et ceci dans le respect de flux naturellement établis depuis des années du fait d’obstacles géographiques et routiers accidentogènes, ou de coopérations médicales bien installées. On peut se demander au nom de quel intérêt ? sous quelle influence ?
Et si le patient, dans ce parcours tracé administrativement par des technocrates sans égard pour la population et sa sécurité, en devient une victime grave soit par accident routier car orienté par décision administrative sur un parcours accidentogène, soit par délais de route trop longs et des transferts multiples devenus nécessaires par le tracé du GHT, pourra – t-on alors engager la responsabilité des décideurs d’un parcours de patient tracé au mépris du simple bon sens et contre l’avis des acteurs locaux de santé et des élus, un parcours de patients entaché de ce que la Conseil d’Etat appellerait une erreur manifeste d’appréciation ? Non, il n’y aura évidemment plus ni responsable ni coupable, les uns et les autres poursuivant une carrière en toute irresponsabilité de ce qu’ils laisseront derrière eux. C’est pourquoi chaque représentant de patient en établissement public de santé est concerné. Chaque GHT doit être défini en regard des seuls intérêts des patients et de leur sécurité sanitaire. Rien d’autre.